La reconnaissance corporelle par Wi-Fi : une nouvelle arme de surveillance de masse ?
Introduction : Dans une étude publiée le 17 juillet sur la plateforme arXiv, des chercheurs de l’université La Sapienza (Rome) ont présenté un système expérimental qui semble sorti tout droit d’un épisode de Black Mirror. Capable de capter la signature corporelle d’un individu via les seules perturbations qu’il induit dans un réseau Wi-Fi, il en produit ensuite une « empreinte ». Empreinte qu’il est ensuite possible de localiser, de suivre dans l’espace, voire de l’identifier de nouveau dans un autre environnement.
Baptisé WhoFi, il n’a pas besoin de caméra de surveillance ou de capteur quelconque pour fonctionner. S’il venait à se démocratiser, la reconnaissance faciale pourrait déjà être considérée comme désuète, bien qu’elle ne soit en usage que depuis une petite dizaine d’années dans certains pays. Serait-il possible de se soustraire à une telle technologie de surveillance si l’espace dans lequel nous nous déplaçons devient lui-même un traceur ? WhoFi : quand votre corps devient une donnée
Lorsque les ondes Wi-Fi traversent un espace vide, elles peuvent être altérées par des obstacles. Quand elles rencontrent un corps humain, par exemple, elles sont déformées : en fonction de la morphologie, de la posture ou même des micro-mouvements. C’est ce « motif de perturbation » que le système WhoFi apprend à reconnaître et à analyser.
À partir de ces variations, WhoFi parvient ensuite à générer un profil unique pour chaque individu, qui correspond à son empreinte biométrique qu’il laisse derrière lui lorsqu’il passe à travers les ondes Wi-Fi. Cette empreinte corporelle permet ensuite de réidentifier une personne dans un autre lieu, à condition que l’environnement soit équipé du même type de capteurs Wi-Fi et que la signature reste stable. Dans leurs essais, les chercheurs ont pu suivre un individu d’une pièce à une autre dans un environnement contrôlé.
Pour obtenir cette empreinte, les chercheurs ont employé un indicateur technique appelé Channel State Information (CSI), utilisé dans les réseaux Wi-Fi avancés. Ce paramètre mesure avec une grande précision la manière dont un signal est altéré pendant son trajet entre l’émetteur et le récepteur. Chaque objet ou corps traversé modifie la forme, l’intensité ou la phase du signal, exactement comme le ferait un prisme qui déforme un faisceau lumineux. Whofi Schéma du système WhoFi : à partir des signaux Wi-Fi réfléchis par le corps humain, un encodeur extrait des représentations internes, utilisées pour générer une « signature » unique. © Danilo Avola et al. / Department of Computer Science, La Sapienza University of Rome
L’équipe a capté ces micro-variations avec des routeurs standards modifiés, puis les a injectées dans un algorithme d’apprentissage automatique. Ce dernier extrait de chaque profil des vecteurs dits « signatures », des condensés mathématiques qui codent les caractéristiques physiques de l’individu.
L’expérimentation a porté sur 14 personnes, chacune testée dans deux pièces différentes. Le système était capable, après une première captation, de retrouver la bonne signature lorsqu’un même individu apparaissait de nouveau, dans un autre contexte. Le taux de réussite annoncé a atteint 95 %, du jamais vu en matière de détection par ondes ! Une technologie au potentiel redoutable
Cette efficacité, si elle doit être saluée, doit aussi nous mettre la puce à l’oreille. La reconnaissance faciale, aussi contestée soit-elle, suppose au moins la présence de caméras, souvent visibles et donc repérables. Dans certains pays (dont la France), elle nécessite même une autorisation légale ou une déclaration publique. Rien de tout cela avec le Wi-Fi, puisqu’il s’agit d’un protocole de communication.
Cette technologie, née en 1997, est omniprésente dans notre quotidien, puisqu’elle alimente nos smartphones, nos objets connectés et nos lieux publics (restaurants, hôtels, aéroports), le tout en restant complètement invisible. Les ondes Wi-Fi traversent les murs, circulent en permanence dans l’espace sans que personne ne s’en soucie. Grâce à WhoFi, il deviendrait donc théoriquement possible de suivre à la trace des individus, sans qu’ils ne donnent leur consentement ou qu’il ne soient au courant.
L’argument sécuritaire est toujours le premier brandi quand il s’agit de technologies de surveillance ; WhoFi n’échappe donc pas à la règle, puisque ses inventeurs l’invoquent dans leur article. Ils citent notamment le cas des fusillades de masse aux États-Unis, où chaque seconde compte pour localiser un assaillant dans un lieu bondé.
Dans un tel scénario, les caméras classiques peuvent vite montrer leurs limites : images de mauvaise qualité, angles morts, etc. En revanche, une empreinte corporelle captée une première fois par le réseau Wi-Fi d’un bâtiment pourrait permettre de retrouver ce même individu plus tard, dans un autre lieu équipé du même système.
Une surveillance intégrée au tissu même de notre environnement ; un rêve sécuritaire, mais un cauchemar éthique si l’on y réfléchit bien. Qui accéderait à ces données, si elles venaient à exister un jour ? Comment seraient-elles sécurisées ? Peut-on garantir qu’une entité publique ou privée ne chercherait pas à croiser ces empreintes avec d’autres bases de données ?
Bien sûr, aucune réponse n’est réellement donnée dans cette étude, qui reste concentrée sur la pure performance technique du système. Les auteurs n’y discutent pas d’implications politiques, juridiques ou encore moins éthiques. Néanmoins, nul besoin d’être un génie pour comprendre le potentiel de dérive de WhoFi s’il était développé à grande échelle : il pourrait se fondre dans le décor sans éveiller le moindre soupçon. Ajoutez à cela le flou juridique qui entoure l’exploitation de ces données biométriques d’un genre nouveau et vous obtenez une boîte de Pandore à peine entrebâillée. Bien heureusement, il n’est pour l’heure qu’un prototype, testé à très petite échelle, il n’est donc pas une menace au court terme. Mais que se passera-t-il lorsque celui-ci sera jugé « mature » par une agence gouvernementale ou une entité privée ?
Des chercheurs italiens ont créé un prototype capable d’identifier et de suivre des individus en analysant les perturbations de leur corps sur les ondes Wi-Fi.
Cette technologie, invisible et ne nécessitant ni caméra ni capteur, permettrait une nouvelle forme de surveillance, potentiellement sans le consentement des personnes.
Bien qu’expérimentale, elle soulève des questions éthiques majeures sur la vie privée, car elle pourrait transformer les infrastructures Wi-Fi en outils de traçage généralisé.
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